23 juil. 2016

Vous avez dit sélection naturelle?


La sélection naturelle … tout le monde en a déjà entendu parler au moins une fois non ? Si on l’associe souvent à la loi de la jungle, la sélection naturelle reste cependant une idée un peu plus subtile. Mais subtile jusqu’à ou …. ? Etes-vous bien sûr de tout comprendre de ce concept made in Darwin ?




La survie du plus fort?

Commençons par nous attaquer à l'une des idées reçues les plus tenaces quant à la sélection naturelle: Elle serait le processus qui permettrait aux plus forts de prendre le dessus. Les individus sélectionnés seraient ceux qui écrasent les autres, chassent mieux, endurent mieux les intempéries, ont la plus grosse .... etc.... etc. Bref, l'archétype du mâle dominant alpha qui a de belles dents et qui court vite. Vous vous en doutez, tout ça est faux


La survie du plus fort? (source)
La sélection est avant tout un processus qui sélectionne (vous avez dit pléonasme?) le patrimoine génétique des individus à la génération suivante. Certes, écraser tout le monde est un bon moyen de faire perdurer nos gènes, mais pas que! Il est parfois (souvent même) plus utile de se reproduire pour transmettre nos gènes que de survivre soit même jusqu'à la génération suivante! 

Pour le dire autrement: Inutile d'être le plus fort de la jungle si c'est pour se prendre un râteau à chaque rendez-vous avec une jeune demoiselle. La sélection naturelle c'est une histoire de survie certes, mais aussi et surtout une histoire de sexe!

Et le sexe c'est bien.

La sélection naturelle est donc ce processus par lequel certains individus dotés de caractéristiques particulières transmettent mieux leur patrimoine génétique aux générations futures. Retenez bien cette phrase, car nous allons maintenant démonter une seconde idée reçue! 

En effet, prenons un exemple, certes un peu morbide, mais un exemple quand même: Imaginez un village d'une contrée perdue de 100 habitants qui vivent dans la joie et la simplicité, sans se soucier du monde qui les entoure. Quand soudain, Roger l'explorateur passe dans le coin avec son 4x4 tout terrain ultra équipé, et fonce droit vers le village. Roger roule vite. Roger roule très vite. Roger aime boire. Et Roger vient d'oublier ou se situe la pédale de frein de son bolide. L'accident est inévitable, 10 pauvres villageois sont tués sur le coup. Notons que nos 10 pauvres victimes innocentes n'avaient pas eu la chances de connaitre le plaisir charnel avant ce terrible jour. 

Question: Peut-on considérer que Roger l'explorateur constitue un facteur de sélection naturelle dans ce village?

Roger L'explorateur a encore frappé (source)

Alors...?

Trêve de suspense: Non. Roger ne constitue par un facteur de sélection naturelle (ni artificielle d'ailleurs) dans ce village. Vous pourriez me rétorquer que pourtant les chances que nos 10 victimes avaient de transmettre leur patrimoine génétique viennent de drastiquement diminuer (euphémisme?)... et c'est vrai. Mais cela ne constitue pas ce qu'on appelle de la sélection naturelle. Relisez la phrase en début de paragraphe: ".... dotés de caractéristiques particulières....". Il y a ici une relation de causes à effet entre d'un côté, de meilleures capacités, et de l'autre une meilleur survie et / ou un meilleur succès reproducteur. Autrement dit, les individus qui sont sélectionnés doivent l'être parce qu'ils ont de meilleures capacités. De la même façon, les individus contre-sélectionnés doivent l'être parce qu'ils sont dotés de moins bonnes capacités que les autres. Alors que dire de nos 10 villageois tués par Roger l'explorateur? Vous l'aurez compris, ils n'ont pas été tués parce qu'ils avaient de moins bonnes capacités que leurs collègues, mais par simple hasard parce qu'ils se trouvaient là au moment où Roger est passé avec son bolide (et avait bu). Bref, rien à voir avec de la sélection naturelle, mais simplement de la poisse!



La sélection naturelle représente donc la relation entre la valeur sélective d'un individu (sa capacité à se reproduire et / ou survivre) et une aptitude particulière. L'évolution darwinienne ne peut avoir lieu sans l'un ET l'autre. Pour vous en convaincre, deux exemples chez l'Homme:

- L'intelligence représente une aptitude particulière, qui varie entre les gens (la majorité des gens se croient d'ailleurs entourés de cons). Cependant, les personnes plus intelligentes que la moyenne n'ont pas plus d'enfants (jusqu'à preuve du contraire) que les redneck de l'Arkansas. Pas de relation entre phénotype ET reproduction = pas d'évolution par sélection naturelle. L'humanité de deviendra pas plus intelligente dans le futur et nos têtes ne vont pas devenir aussi grosses que celle des Asgards de Stargate SG1.

Petit bémol: Peut être qu'il existe une relation inverse .... comme dans le film Idiocratie. (ne l'espérons pas, de peur d'arroser nos champs avec du Coca ...)

Un autre exemple de "non-sélection":

Fraternisation autours d'un match de football
entre allemands et français en Noël 1914

- La première guerre mondiale a certes diminué drastiquement le succès reproducteur de beaucoup de jeunes hommes sur la planète, elle ne représente pas un épisode de sélection naturelle. Pourquoi? Tout simplement car aucune aptitude particulière n'a été sélectionnée ou contre-sélectionnée. La boucherie organisée de Verdun a tué sans discernement les jeunes allemands et français qu'ils soient gros, maigre, grand, petit, etc ... pas de sélection naturelle!



Un dernier pas de plus?


La sélection naturelle c'est ce qui fixe un caractère dans la population en suivant un scénario tel que: 
- Une population ou tout le monde se ressemble (encore ces Asgards!), 
-  un individu avec une nouvelle capacité avantageuse apparaît, 
-  il se reproduit mieux que les autres, 
-  sa capacité envahit la population, 
-  et toute la population se retrouve avec cette nouvelle capacité.... 




Bref, c'est ce qui crée de l'information! La sélection c'est ce qui va à l'encontre du chaos, de l'entropie.

George Price
Le grand théoricien de la sélection naturelle George Price ne s'était d'ailleurs par trompé. Dans un article posthume, il discute de la portée philosophique du concept de sélection, et ne tarde pas à faire le rapprochement avec le concept d'information. A l'instar de la théorie de l'information de Shannon, Price voulait créer une théorie générale de la sélection (pas seulement biologique). Malheureusement, Price devient à moitié fou et se suicide en 1975.

Aujourd'hui, Francois Rodier va encore plus loin en comparant les être vivants à des structure dissipatives (ce qu'elles sont), et la sélection naturelle serait simplement le processus qui tend à maximiser celles qui dissipent leur énergie le plus efficacement possible. 

Tout ça est bien complexe ... mais une chose est sûre: la sélection naturelle est encore un concept flou, toujours en débat dans les laboratoires.




QUESTION BONUS:

Entre le séisme de Lisbonne de 1755, le SIDA et la paludisme ... lequel de ces trois fléaux produit de la sélection naturelle?





4 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Le paludisme est connu pour cela, avec la bien connue drépanocytose, le favisme ou d'autres caractères.

    Mais après tout, pourquoi le SIDA ne serait pas un facteur de (contre)sélection dans les zones sans accès au traitement, les individus pouvant contenir la maladie un temps plus long ayant alors plus de chance de répandre leur gênes avant de mourir. Tout comme ceux plus à même de diminuer leurs risque d'infection

    Et même pourquoi pas les tremblements de terre et les guerres en sélectionnant les individus capables de survivre aux crises sanitaires, sociales et alimentaire qui les accompagnent en général. A supposer que cette capacité soit au moins en partie héritable, que ce soit de façon culturelle ou génétique.

    Par ce que de toutes façon, les crises (guerres, catastrophes) et les épidémies sont un facteur normal de l'environnement, contrairement à Roger, certains traits peuvent influer la chance de survie des individus qui y sont exposés. Et même si les jeunes hommes avaient tous eu une même (mal)chance d'être tués, il reste toutes les femmes.

    Encore que si Roger devait passer régulièrement, peut-être que les villageois ferait comme ces baleines qui ont abaissé leur age moyen de reproduction sous la pression des baleiniers. Je n'arrive pas à retrouver l'espèce en question par contre.

    Je parle de chances de survie, pas de sélection brutale : tout les individus peuvent survivre ou mourir avant de se reproduire, mais à des probabilités légèrement différentes. Et comme les milieux/contraintes sont rarement uniformes dans le temps et l'espace, un même individu peut voir ses dés changer de temps à autre.

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  3. Bonjour,
    Finalement si je comprends bien nous n'avons gardé que le pire de la théorie de Darwin: La loi du plus fort, la compétition...etc.
    J'ai la sensation que ce "pire" régit notre fonctionnement actuel où la compétition est la règle de partout.
    Avec ma vision médicale j'ai vite rejeté cette vision, en effet il y a plus de bactéries que de cellules qui participent à l'homéstasie du corps humain. Par conséquent l'idée qui voudrait que pour survivre une espèce doit être la plus forte au jeu de la compétition perd son essence, j'ai l'intuition ce sont plutôt les organismes qui ont su collaborer et mettre en symbiose leurs patrimoines génétiques qui ont survécu.

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  4. Bonjour,
    Pourquoi dire que le concept de sélection naturelle est complexe alors qu'il est en fait d'une simplicité... biblique (si j'ose dire)?
    C'est seulement le fait que le phénotype qui se reproduit le plus envahit la population, quelque soit la raison de cet avantage reproductif (survie, accès aux partenaires, coopération, camouflage, etc.).
    En revanche, si le concept est ultra simple, ce sont les conséquences qui sont complexes... et qui restent débattuent dans les laboratoires (le concepts lui-même, assez peu en fait).
    Bonne journée

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