Dans
l'épisode précédent [Parasites : Chap 1. Ils sont plusieurs dans leur tête ! ], Jack a été lâchement manipulé par Brenda, qui n' a pas
hésité à le tuer sauvagement pour parvenir à ses fins. Nous avons aussi appris
qu'elle n'en était pas à sa première victime et que peu d'entre elles avaient
été de taille à lutter... Mais Simon (lire Saïmaune) s'est rebellé et au prix
de sa vie il a permis au Sheriff du comté d'écrouer cette folle. Il est temps
de la faire payer ! Voici la suite de notre téléfilm du printemps :
La fable de la coccinelle et de la guêpe...
Toutes
les manipulations dont nous avons parlé la semaine dernière sont bien
sympathiques, mais qu'est-ce que ça coûte au parasite ? En effet, il est bien
beau de manipuler son hôte, cela a forcément un coût. Commençons par décrire
brièvement le système qui va nous intéresser ici... Dinocampus coccinellae est une guêpe solitaire dont l'hôte
principal n'est autre que la charmante coccinelle Coccinella maculata. Comme pour les hyménoptères dont nous avions
discuté dans l'articlé précèdent, la guêpe pond un oeuf dans le corps de la
coccinelle où il va se développer. Lorsque la larve s'est gavée des tissus
internes de la coccinelle et qu'elle est prête pour sa métamorphose, elle s'extrait
du corps de son hôte sans le tuer et se glisse entre ses pattes. Elle va y
tisser un cocon, prenant les pattes du coléoptère au piège jusqu'à devenir
adulte...
Mais quel est l'intérêt de
conserver un insecte sur son dos lorsqu'on est strictement incapable de se
déplacer ? L'hypothèse la plus probable serait d'utiliser la coccinelle comme
garde du corps pour se protéger d'éventuels prédateurs. La coccinelle va en
effet rester sur la guêpe dans un état second, ne réagissant qu'a des stimuli
extérieurs par des soubresauts désorganisés, en sécrétant une substance toxique
part ses pattes et prévenant les prédateurs d'un éventuel danger par ses
couleurs vives.
Et qu'est ce que ça coûte tout
ça ? Maintenir en vie une coccinelle pendant une dizaine de jour sans que
celle-ci ne puisse s'alimenter et surtout lui laisser retrouver une capacité
motrice voir reproductive une fois la guêpe émergée relève de l'exploit.
D'autant plus que le parasite est à l'extérieur de son hôte pendant la manipulation.
Manipuler : une affaire d'équilibre.
Tout est trade-off : "Depuis que je marche debout, je ne peux plus me lécher les orteils ..." | ||||||
Notre parasite ne devrait donc pas échapper à la règle et l'énergie allouée à la manipulation (production de toxine paralysante, maintient de la coccinelle en vie pendant un certain temps, survie dans le corps de l'hôte avant égression) devrait impacter la guêpe. F. Maure s'est posée plusieurs questions sur le sujet et a notamment pu démontrer l'importance de la manipulation (a) en comparant la survie du cocon face à un prédateur dans différentes conditions (cocon seul, coccinelle morte et coccinelle manipulée) et l'existence de tels compromis, notamment entre fécondité et la survie en jour de la coccinelle (b).
(a) Survie des cocons en fonction de la prédation (cocon seul, coccinelle morte, coccinelle vivante). (b) Survie en jour de la coccinelle en fonction de la fécondité de la guêpe. |
La
manipulation est donc coûteuse pour la guêpe et n'est pas simplement un sous
produit de l'infection. Même si elle doit consommer une partie des ressources
de la coccinelle pour grandir, elle doit tout de même lui en laisser
suffisamment pour qu'elle survive durant la manipulation. La suite coule de
source, le parasite ne peut pas à la fois maximiser sa croissance et la survie
de son hôte et doit faire des choix dans l'allocution de ses ressources, sa
survie étant primordiale ici.
Lire : F. Maure et al. (2011) : The cost of a bodyguard, Biology Letters.
Remarquons
cependant deux choses. L'apparition d'un tel comportement de manipulation ne
s'est pas fait du jour au lendemain. Il existe une histoire évolutive derrière
tout ça et lors de la première infection de type garde du corps que notre
planète terre ai vu naître, il est possible que les toxines à l'origine de la
manipulation n'ai été que le résultat fortuit d'une autre fonction, détournée
par la suite. C'est le cas par exemple des plumes, qui bien qu'elles soient
indispensable au vol des oiseaux, avaient un rôle initial de thermorégulation.
Peu à peu, des variants de cette fonction apparaissent, pouvant donner un
nouvel avantage à des individus qui se reproduiront plus et s'imposeront. Une
deuxième hypothèse est que l'ancêtre de la guêpe soit déjà une guêpe
manipulatrice et qu'une manipulation, se perfectionnant (suivant les compromis)
donne la manipulation telle qu'on la voit à ce jour.
Par ailleurs, nous sommes ici en présence d'un rare cas de parasitoide ne tuant pas son hôte à la fin de la manipulation. Il lui laisserai parfois même la capacité de se reproduire et donc potentiellement de transmettre à ses descendants une capacité de tolérance. Ces individus tolérants rentreraient en compétition avec des individus résistants et la tolérance pourrait même être renforcée par une augmentation du parasitisme au fur et à mesure qu'elle s'installe dans la population.
Par ailleurs, nous sommes ici en présence d'un rare cas de parasitoide ne tuant pas son hôte à la fin de la manipulation. Il lui laisserai parfois même la capacité de se reproduire et donc potentiellement de transmettre à ses descendants une capacité de tolérance. Ces individus tolérants rentreraient en compétition avec des individus résistants et la tolérance pourrait même être renforcée par une augmentation du parasitisme au fur et à mesure qu'elle s'installe dans la population.
L'autostoppeur kamikaze : encore un coup de la mafia.
Vous
l'aurez compris, le monde tourne autour de coûts et de bénéfices. Comment faire
donc, dans cette société capitaliste pour réduire les coûts de la manipulation
au maximum afin de maximiser sa reproduction ? Plusieurs solutions ont été
trouvé et, encore une fois, dans son système socio-econo-politique, l'homme
n'a rien inventé.
Fourmi parasitée par la petite douve du foie : lorsque le soleil se couche, les zombis sortent de la fourmilière... |
Un
autre exemple moins impressionnant mais tout de même malin est celui des
parasites dit auto-stoppeurs. Pas besoin de faire un dessin : pourquoi
manipuler l'hôte ou son système immunitaire et perdre son énergie à le faire
quant un autre parasite peut le faire pour vous ? Le trématode Maritrema subdolum a besoin d'être
transmis à des oiseaux aquatiques après avoir infectés des gammares. Il a été
démontré que ce parasite préférait choisir des individus déjà infectés par un
autre parasite (Microphallus
papillorobustus) induisant une modification comportementale de l'hôte qui
favorise la transmission vers un tel oiseau. Profitant de ce système déjà tout
prêt, l'auto-stoppeur n'a pas à dépenser son énergie pour manipuler et peut la
consacrer à se reproduire sur la banquette arrière. Attention, n'allons pas
croire que l'ensemble des coûts est réduits ici. Même si la manipulation n'est
plus à faire dans ce cas, le parasite doit toujours se protéger du système
immunitaire de l'hôte et d'une éventuelle compétition pour les ressources avec
l'autre parasite. Par ailleurs pour que la manipulation puisse avoir lieu, il
doit aussi s'assurer de ne tuer ni l'autre parasite ni l'hôte en consommant
trop de ressources. Bref, encore une histoire de compromis...
Lire : ANIMAL
BEHAVIOUR, 1998 : Exploitation
of manipulators: ‘hitch-hiking’ as a parasite transmission strategy by FREDERIC
THOMAS, FRANCOIS RENAUD & ROBERT POULIN.
"Guess what : I'm your father" | |||||||||
Lire : Soler M. (1999).
"Genetic and geographic variation in rejection behavior of cuckoo eggs by
European magpie populations: an experimental test of rejecter-gene flow".
dans Evolution.
Mais encore ....
A ce stade, vous devriez commencer à vous alarmer sérieusement... Ca manipule dans tout le vivant, ça modifie le comportement, ça oriente l'évolution des hôtes... et pourquoi pas... MOI !? La réponse au prochain épisode.
Poulet dinosaures..... vive la science !^^
RépondreSupprimerSuper les 2 articles.
RépondreSupprimerBon et la suite ?