4 mars 2013

Parasites : Chap 1. Ils sont plusieurs dans leur tête !



Le monde des parasites c'est un peu les feux de l'amour en pleine guerre froide avec Jack Nicholson dans le rôle du beau-papa schizophrène. Entre manipulation, synthèse des coûts/bénéfices, parasites inter-générationnels et parasites moteurs de l'évolution, bienvenue dans cet univers qui n'épargne personne.



chap 1. Ils sont plusieurs dans leur têtes !

            Zombis, mafia, meurtres déguisés en suicide, schizophrénie, contrôle des pensées, manipulation de masse... Vous pensez qu' Hollywood a tout inventé? Et bien détrompez vous, dans le monde fabuleux du vivant toutes ces pratiques sont monnaies courantes. Nous allons aujourd'hui faire un tour des ces "organismes parasitiquement modifiés" comme certains auteurs aiment les appeler...


            Avant de commencer quelques définitions. Le parasitisme est une relation de symbiose entre deux individus dont un des deux acteurs (le parasite) tire profit des ressources de son hôte. Cette interaction est dites "longue" et exclue donc les relations de prédations (à mon sens, une vache n'est pas un parasite de l'herbe, par contre vous pouvez être considéré comme le parasite de vos parents). Selon F. Thomas, le parasitisme touche l'ensemble du règne vivant (animaux, plantes, champignons, unicellulaires, virus....) et 50 % des espèces sur Terre seraient des parasites. Parmi eux on retrouve une mention spéciale pour les parasitoïdes qui tuent systématiquement leur hôte à la fin de l'interaction.

           
Pourquoi manipuler ?

            Le but ultime du parasite lorsqu'il infecte son hôte est de croitre pour à terme se reproduire. En général l'hôte veut simplement vivre sa vie tranquillement et le conflit d'intérêt qui se créé menent à une course aux armements. L'hôte va tenter de de se débarrasser de son parasite (ou ultimement le tolérer) alors que le parasite va gagner à augmenter sa capacité de transmission (plus il se transmet, plus il se reproduit). Hors, pour mieux se transmettre il faut pouvoir franchir une série de barrière (trouver son hôte, entrer dedans, trouver l'organe cible, se développer sans se faire tuer, sortir de l'hôte vers l'hôte suivant... lire Combes : l'art d'être parasite) et parmi celles-ci on retrouve deux choses qui vont nous intéresser particulièrement. La première est l'échappement au système immunitaire de l'hôte et la seconde la maximisation des chances de transmission d'un hôte au suivant. Nous reviendrons sur les conséquences de la première barrière dans un autre chapitre de ce volet sur les parasites.
           Pour mieux comprendre les enjeux de la transmission, il faut se mettre à la place du parasite. Isolé dans le corps d'un hôte, il doit impérativement se transmettre pour continuer à se reproduire. Pour certains parasites l'hôte actuel n'est qu'un intermédiaire et il faut arriver jusqu’à l'hôte définitif dans lequel aura lieu la reproduction (exemple de la douve du foie illustré ici). Pour d'autres parasites le cycle est plus simple puisqu'il n'y a qu'un seul hôte. Quel que soit l'envergure du cycle, on comprend bien que manquer sa transmission, revient à libérer ses petits dans un hôte déjà infecté en augmentant ainsi la population parasitaire. Dès lors, l'hôte probablement déjà mal en point va se voir  attaqué par un nombre d'ennemis trop importants et risque (paix à son âme) d'y passer. S'il meurt, les parasites ne seront pas capables de trouver l'hôte suivant de manière active (certains peuvent le faire) et sont voués à pourrir dans leur hôte. Il y a donc une sélection forte pour une transmission efficaces puisque ces individus peu efficaces seront éliminé rapidement de la population contrairement aux individus réussissant parfaitement leur transmission.


Cycle de la petite douve du foie


          
            Le concept de phénotype étendue développé par Dawkins en 1982 propose que le parasite puisse exprimer génétiquement un phénotype chez son hôte. Pour faire simple, selon les dogmes classiques de la biologie, n'importe quel trait d'un individu (couleur des cheveux, tour de hanche, comportement, ...) est sous le contrôle d'un ou de plusieurs gènes en interaction avec son environnement. Ici, Dawkins propose que la physiologie, morphologie ou le comportement de l'hôte puissent être transformés sous le contrôle du génome du parasite. Ces nouveaux phénotypes directement induits par le parasite vont avoir dans la majorité des cas un avantage pour le parasite et notamment pour sa transmission. Si c'est le cas, on parle de manipulation adaptative.




Zombi : désigne communément un type de mort-vivant ramené à la vie à l'aide de signes mystiques comme la sorcellerie. Le terme est souvent utilisé pour décrire un individu hypnotisé manquant de conscience mais encore capable de réagir à des stimuli environnementaux.



Zombis !

Les manipulations les plus impressionnantes sont sans aucun doutes les manipulations morphologiques et comportementales au cours desquelles l'hôte perd son aspect et/ou son comportement classique au profit de phénotypes visant à maximiser les chances de transmission du parasite. En voici un exemplaire non exhaustif ...

I want you dead !

Comme nous l'avons vu, de nombreux parasites ont besoin de plusieurs hôtes pour accomplir leur cycle de vie. Ils profitent souvent d'une relation trophique entre leurs hôtes pour se transmettre... Quitte faire un peu de pub pour attirer le client...


Commençons par le cas de Leucochloridium paradoxum un parasite dont les sporocystes vont être ingérés par un escargot, premier hôte du cycle du parasite qui doit encore rejoindre le corps d'un oiseau pour finir son développement et se reproduire. "Suffit de se faire bouffer" vous allez me dire, mais le problème est un peu plus compliqué : l'oiseau se nourrit exclusivement de chenilles. Pas de problème pour le parasite qui va modifier les antennes de l'escargot pour leur en faire prendre l'apparence. Cette modification morphologique et physiologique impressionnante est accompagnée d'une modification comportementale qui inhibe les réflexes de protections de l'escargot. Plutôt que de se cacher, il va aller agiter ses nouvelles antennes en haut du feuillage, là où l'hôte définitif fait ses courses en temps normal...
vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=EWB_COSUXMw



Un autre exemple est celui de la fourmi Cephalotes atratus, parasitée par le nématode Myrmeconema neotropicum. Le cycle du parasite ne se limite encore une fois pas qu'un seul hôte et la fourmi doit être mangée par un oiseau frugivore pour que le parasite puisse accomplir son développement. Une fois infectée, les comportements de défense de la fourmis vont là aussi être inhibés, elle va chercher à monter sur des branchage et sont abdomen va gonfler jusqu'à ressembler à une baie...



Pour le dernier exemple, le parasite ne doit pas rejoindre un hôte définitif comme pour les deux cas précédents mais un milieu très différent du milieu de vie de son hôte. C'est l'histoire d'un nématophore (Paragordius tricuspidatus) qui ne peut se reproduire qu'en milieu aquatique où il forme des agrégats avec ses partenaires. Soucis de taille, son hôte, un grillon, n'a à priori pas passé son brevet de natation et notre nématophore ne peut vivre à l'air libre... Qu'à cela ne tienne, une fois son développement terminé et la maturité sexuelle atteinte, le ver manipule le comportement de son hôte qui se retrouve follement attiré par les cours d'eau. Arrivé près d'une mare ou d'une rivière le grillon y plonge (se suicidant au passage...) et le nématophore n'a plus qu'à s'extraire de son hôte.

photo : P. Goetgheluck
Vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=QIp4-FZN2A0
Lire : Do hairworms (Nematomorpha) manipulate the water seekingbehaviour of their terrestrial hosts? by Thomas et al, JEB, 2002



Manipulation de masse

            Il est bien beau de manipuler un individus mais que se passe-t-il lorsque notre hôte est un individu social ? Rien de plus simple, il suffit de manipuler la colonie toute entière... Voici l'exemple d'un système à un hôte et deux parasites. 


Le premier parasite est une larve de papillon (Maculinea rebeli). Cette chenille détourne le système de communication des fourmis à son avantage en imitant leurs phéromones. En effet une fois éclos, elle va reproduire l'odeur d'une fourmis en détresse pour piéger son hôte et être emportée à l'intérieur de la fourmilière. Une fois bien au chaud, elle va mimer les phéromones présents sur les larves de fourmis pour passer inaperçue, être protégée, nourrie par trophallaxie et lavée. En plus des phéromones, la chenille emploie une combinaison de signaux sonores imitant ceux de la reine afin de s’élever dans la hiérarchie de la fourmilière et recevoir plus de soins.

            Malheureusement pour elle, cette chenille n'est pas à l' abris d'un autre parasite : la guêpe Ichneumon eumerus. Pour déjouer la nouvelle garde rapprochée de la chenille, la guêpe va à son tour manipuler la fourmilière. En effet, I. eumerus va déclencher une véritable guerre au sein de la colonie pour pondre ses œufs dans la chenille. Pour se faire elle sécrète un cocktail de trois alcools et de trois aldéhydes. Une première substance, le Z-9-icosen-1-ol va attirer les ouvrières sur la guêpe. Cependant, une fois au contact, les fourmis vont être fortement repoussées par deux autres molécules (Z-9-C22-al / Z-9-24-ol). Au passage, elles auront perçu l'odeur d'un autre phéromone augmentant leur agressivité de manière spectaculaire : les fourmis "contaminées" vont sauter à la gorge du premier truc qui passe par là, une autre fourmi. Étant attaquées, ces fourmis vont déclencher des signaux d'alertes qui vont lancer une boucle d'amplification positive du mécanisme de panique dans la fourmilière.  Au milieu de cette belle pagaille, la guêpe peut quant à elle se diriger tranquillement vers son hôte, pondre ses œufs à l’intérieur de la chenille et ressortir de la fourmilière qui retrouvera peu à peu son calme. Les larves de guêpes maintiendront en vie la chenille durant les 11 mois de leur développement (la chenille est au passage toujours considérée comme une fourmis) et ressortiront en utilisant le même mécanisme. Le coût chimique et évolutif  pour arriver à une telle manipulation peut sembler grand (6 molécules à synthétiser) mais notons la durée de développement particulièrement importante du parasite (11 mois) qui peut expliquer un tel besoin de protection dans le temps.

Lire : Thomas et al. (2002)



Garde manger ambulant : le cas des hyménoptères

            Un dernier cas assez sympathique est celui des guêpes parasitoïdes se servant de leur hôte comme garde manger vivant. Ces guêpes solitaires (très différentes des guêpes coloniales dont nous avons l' habitude) peuvent parasiter de nombreux hôtes et notamment des plantes et des insectes. Elles utilisent très souvent un venin paralysant mais non mortel pour s'attaquer à des hôtes plus gros qu'elles où elles déposeront un ou plusieurs œufs. Pour ne pas être trop long et puisque des vidéos sont plus parlantes, voici deux exemples de manipulations permettant à la guêpe de procurer de la nourriture fraîche à ses jeunes pendant plusieurs jours/ semaines.
Plus efficaces que le frigo, la maman guêpe :


 
-> Ampulex compressa et de son hôte la blatte américaine
http://www.youtube.com/watch?v=qN2XMyxAs5o
http://www.youtube.com/watch?v=UWAV1zj5TXQ




 

->  j'ai oublié le nom mais je vais le retrouver rapidos!
http://www.youtube.com/watch?v=ctAXcBxHdCg







Mais encore...



C'est à ce moment précis que plusieurs ampoules s'allument dans un coin de votre cortex.. normalement.. ça ne devrait... plus tarder ? Eh !

Effectivement plusieurs questions sont en suspend et nous tenterons d'y répondre dans les chapitres qui viennent. Parmi celles-ci les aficionados du capitalisme se demanderont ce que ça coûte de se procurer de tels zombis... Les humanistes se demanderont si l'homme est sujet à de telles manipulations... Les pragmatiques se demanderont aussi pourquoi l'hôte ne répond pas à son parasite ? Les plus malins parleront peut-être de parasite de parasites... Si vous avez des questions/suggestions, laissez des commentaires, je verrai ce que je peux faire... Sur ce, à la prochaine!

1 commentaire: