6 févr. 2013

Bon app' !



Utiliser des bactéries intestinales pour se soigner ? Manger son caca (soyons crus!) pour s'éviter une bonne diarrhée ? Très peu pour moi ! Et pourtant ...






 Un matin devant Kuisine TV :

"-Dites-moi Maïté ? Comment préparer cet étrange plat que vous nous proposez ce matin ?
- Rien de plus simple mon enfant, une fois que je vous aurai donné quelques tuyaux, la cuisine de ce met n'aura plus de secret pour vous !
- Tant mieux ! Allons y donc :
- La première étape se fait dans le choix : ni trop mou, ni trop ferme. Et assurez vous avant d' en trouver un qui respire la bonne santé !
- Effectivement. C'est une conditions sine qua none !
- Personnellement, je préfère conserver ceux issus d'un repas équilibré : une bonne choucroute par exemple nous donnera des senteurs du terroir. Une bouillabaisse bien de chez moi vous rappellera certainement vos vacances à la mer. Gare aux produits exotiques et épicés cependant.
- Ah.. Restons soft donc !
- L'essentiel est de récolter un bon 200 g à conserver dans son jus pour qu'il ne desséche pas.
[Mais de quoi ils parlent ?!]
- Vous faites bien de le préciser Maïté...
- Attention, vous n'oublierez pas de bien noter la date du jour et votre nom sur le sachet de conservation : vous n'allez tout de même pas manger celle de votre voisin de tablée!
[Explosion de rire sur le plateau...je ne comprends pas]
 - Effectivement, cela m’emmerderait, sans aucun jeu de mot de ma part bein sûr
[Re: explosion de rire... pour le coup, je prends peur]
- L'essentiel est dans la cuisson, si les étrons sont trop cuits, tout l'intérêt est perdu bien entendu.
[QUOI ???]
- Rappelons en effet à nos chers auditeurs et auditrices que le but ici est encore médical avant tout.
- Médical certes! Mais pourquoi se priver d'un bon moment à table tant que nous y sommes ! Peuchère, quitte à manger sa merde, autant que ce soit goûtu !"
  
Hum... Manger ses fèces ? Et quoi encore ? Je décide donc de me renseigner et rapidement, me rend comptes que l'idée est on ne peut plus sérieuse :


Selon une brève publiée récemment dans Science, le secret pour soigner les diarrhées, maux ou gonflements d'estomacs se trouverait peut-être au plus profond de nous mêmes, bien enfouit dans nos intestins. En général, l’ensemble des symptômes cités plus haut sont liés à un déséquilibre de notre flore bactérienne intestinale. Cette petite colonie bien ancrée en nous est indispensable à la digestion, protection et au maintient de l'équilibre osmotique de nos organes digestifs. Lorsque cette flore est perturbée, c'est la coulante assurée ! Il suffirait cependant de la remplacer pour rétablir la machinerie. Rassurez-vous, même si l'idée de base est un traitement (plus que controversé) lié à l'ingestion de matière fécale, des chercheurs ont mis au points la recette exacte qui pourrait permettre de nous remettre rapidement sur pieds.
 Comme le disait un ancien prof de bactériologie: "Même dans les pires moments de votre vie, vous n'êtes jamais seul".

Clostridium difficile est un véritable fléaux dans les hôpitaux américains avec quasiment 336 000 infections par ans dont 1/20 sont mortelles. Aucun traitement n'a pour le moment donné entière satisfaction et certains au contraire ne font qu'aggraver la situation.  En s'attaquant à cette bactérie via des antibiotiques peu spécifiques et peu efficaces (25 % de rémission immédiate des patients) des dégâts collatéraux sont à prévoir. Etant peu ciblés, les antibiotiques font un peu l'effet de bombes américaines sur un village afghan : en visant les terroristes, ce sont les chèvres qui volent, laissant plein de places aux ronces pour pousser. Autrement dit, en essayant de s'attaquer à Clostridium difficile, c'est une bonne partie de notre flore intestinale qui est détruite, nous laissant d'une part sans défense mais nettoyant en plus le terrain pour une invasion bactérienne moins sympathique à notre égard.
Pour pallier à ces dégâts collatéraux, certains médecins ont réussit à soigner des patients en leur faisant ingérer des matières fécales (filtrées et traitées bien entendu) sympathiquement offertes par un patient sain. Ils ont aussi réussit au passage à soulever quelques questions éthiques, médicales et juridiques. L'idée fait cependant son chemin et ajouter en complément d'un traitement antibiotique une nouvelle flore bactérienne pourrait bientôt devenir pratique rependue. Des résultats positifs ont déjà  été obtenus sur des souris : sur  un lot de 18 bactéries fréquemment retrouvés dans leurs intestins, un petit cocktail de 6 bactéries a pu soigner avec succès la coulante des pauvres rongeurs. De là à tester ce cocktail sur l'Homme il va falloir attendre un peu car les flores diffèrent quelque peu. 

Le rôle de la communauté bactérienne pour la digestion est connu depuis un certain temps maintenant. Elle est notamment primordiale pour les enfants en bas âges qui en héritent une part de leur maman d'une façon peu ragoutante... Il a été démontré que lors de l'accouchement a lieu une transmission de bactéries de la mère à son enfant, lui permettant d'établir une première protection (et oui, vous avez bu la tasse !). Par la suite en vous laissant jouer dans le jardin, manger le marteau dans l'atelier de papa et trifouiller dans la litière du chat, vos parents vous ont permis de rencontrer vos premiers pathogènes virulents mais aussi vos premiers protecteurs, et certains sont toujours là... 

Dans la même veine, nos amis anglais effectuent des tests cliniques avec de sympathiques nématodes infectants fréquemment le sang des habitants de différents pays tropicaux. En effet, les patients infectés présentent (en plus des effets néfastes du parasite) des résistances voir même des effets bénéfiques contre différentes scléroses, le diabète de type 1, d'autres parasitoses et différentes allergies. Les requins eux aussi se feraient gentiment dépolluer le bide par un parasite de type tænia, au centre des intérêts d'une équipe iranienne. Le ver posséderait selon eux des taux de métaux lourds 278 à 455 fois supérieurs à ceux du requin et dépolluerait donc le bidon du carnassier. Un médecin japonais serait même aller jusqu'à s'auto-inoculer un de ces charmants tænias pour réduire ses allergies... Hop : un dernier exemple avec Acanthocheilonema viteae capable de synthétiser une protéine agissant contre l'inflammation pour se protéger du système immunitaire de son hôte.

Taenia (ici Taenia solium)
Nématode (ici Necator ou Ancylostoma, Wikipedia savait pas trop...)

Bref vous l'aurez compris comme tout le reste, le corps humain n'est rien d'autre qu'une large niche à bactéries, virus ou autres micro-organismes avec lesquels nous avons toujours vécus et évolués. Certains sont  notre première barrière face aux infections et indispensables à de nombreux processus nous permettant de survivre.  D'autres sont à priori des parasites virulents qui, en se protégeant de notre système immunitaire, en luttant contre d'éventuels compétiteurs ou pour protéger leur garde-manger (en occurrence nous) produisent des effets bénéfiques à leur hôte. Certains seraient même à l’origine de plusieurs mécanismes primordiaux nous permettant de survivre (placenta, mitochondrie, système de réparation de l'ADN, photosynthèse...). Mieux comprendre tout ce petit monde  pourrait permettre de les utiliser comme traitements alternatifs à une époque où, en nous soignant, nous sélectionnons activement des bactéries et virus de plus en plus aptes à nous tuer...  mais nous y reviendrons.




Pour en savoir plus :
A Weekly Chat on the Hottest Topics in Science on Science Website.
a mix of six very different kinds of bacteria, cured the mice, report online in PLoS by  Trevor Lawley of the Wellcome Trust Sanger Institute in Hinxton, U.K.

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